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La Tunisie

  
La révolution néolithique 


C'est au quatrième millénaire avant J.-C. que se produisent au Maghreb de grands et profonds changements. C'est l'époque, dite néolithique, dont la forme ici est appelée capsienne (de Capsa, l'actuelle Gafsa dans le sud-ouest tunisien). Elle se caractérise par l'apparition de techniques agricoles, d'élevage et d'organisation humaine. Outre la domestication des animaux, l'outil, notamment l'herminette, est façonné. Il était à la fois instrument et symbole. La pratique de l'incision et de l'impression comme le polissage et la céramique font également leur apparition.
     
Fondation de Carthage 

Au VIIe siècle av. J.-C., Tyr, cité phénicienne, devint le principal port de la Méditerranée orientale. Sa prospérité repose sur la fabrication de la pourpre, tirée du murex (coquillage), de l'artisanat du verre, sur l'exploitation du bois de cèdre et sur le commerce entre l'Orient et l'Occident. Son rayonnement s'étend jusqu'à l'Atlantique avec la fondation de Gadés (Cadix) et Lixos (Larache) au Maroc. Sur la côte tunisienne, Utique d'abord puis Carthage, furent édifiées. Les Phéniciens, commerçants, voyageurs et gens de profit, s'installent sur tout le pourtour de la Méditerranée. Les marchands, grâce à l'amélioration des moyens de la navigation et à l'intrépidité des marins, mercenaires ou esclaves, créent des colonies. Les îles ont leur préférence et ils fondent des escales à Chypre, en Crète, en Sicile à Malte et aux Baléares. La côte nord de la Tunisie est également choisie pour ses lignes incurvées, ses golfes et ses criques, lieux inexpugnables pour les stratèges, les armateurs et les pirates. De tous les comptoirs nord-africains, Carthage se distingue, car c'était l'endroit le plus protégé. Ni Principauté, ni Cité-Etat ; la ville, simple colonie phénicienne, rayonne sur la Méditerranée occidentale. Son essor foudroyant l'entraîne à devenir elle-même la capitale d'un Empire.
     
L'Empire carthaginois 

Naviguer, commercer, émigrer, telle est la vocation des Phéniciens, elle s'amplifie du dynamisme des Carthaginois. Trois siècles après la fondation de la ville, Carthage contrôle un véritable empire maritime en Méditerranée, bousculant les colonies grecques. Profitant de la fin de Tyr, elle reprend l'héritage phénicien. Des expéditions montées par Hannon le Grand et Himilcon franchissent le détroit de Gibraltar et atteignent les côtes du Maroc au sud et d'Irlande au nord. Les Carthaginois contrôlent les côtes d'Espagne, les Baléares, la Sardaigne et leur volonté de s'emparer de la Sicile inquiète une jeune puissance montante : Rome.
     
Les guerres puniques 

Cette rivalité pour la domination de la Sicile entraîne la première guerre punique (264-241 av. J.-C.). Les Romains remportent une première victoire avec la prise d'Agrigente en 261 av. J.-C. Le général Carthaginois Hamilcar organise la résistance tout en se plaignant du manque de soutien de la cité punique. Lorsque Carthage se décide à envoyer des renforts, Rome avait eu le temps de se doter d'une flotte de guerre. En 241 av. J.-C. Rome remporte la victoire sur la mer. La perte de la Sicile et le paiement d'une forte indemnité de guerre sont imposés aux Carthaginois. De retour sur le continent africain, Hamilcar doit encore faire face à la révolte de son armée de mercenaires soutenus par les chefs berbères et les villes phéniciennes ayant pris le parti de Rome. Cette rébellion écrasée en 237 av. J.-C. inspira à Gustave Flaubert l'écriture de Salammbô. La deuxième guerre punique (218-201 av. J.-C.) fut le fait des Carthaginois eux-mêmes. Pour contrer l'expansion romaine, Hamilcar Barca se lance à la conquête de l'Espagne. Après avoir dominé les Celtibères au sud, il progresse jusqu'à Alicante, à la limite de l'Ebre (239-219 av. J.-C.). Là, une mort subite l'emporte mais son fils Hannibal, qui se trouvait déjà à ses côtés, lui succède.
     
Le Périple d'Hannon 

Seule l'expédition africaine fit l'objet d'un récit, connu sous le nom de Périple d'Hannon daté du Ve siècle av. J.-C. Les Carthaginois décidèrent d'envoyer Hannon explorer les côtes de Libye (appellation de l'Afrique septentrionale par les Grecs) situées au-delà des colonnes d'Hercule (Gibraltar) pour y étudier les possibilités de commerce. Hannon partit donc à la tête d'une flotte de soixante vaisseaux, portant chacun cinquante rameurs et emmenant 30 000 personnes, hommes et femmes, ainsi que vivres et marchandises. Les découvertes de ce périple ne furent pas que scientifiques et stratégiques puisque des comptoirs furent fondés tout au long des côtes marocaines et mauritaniennes.
     
Hannibal, le Magnifique 

Franchissant l'Ebre, le jeune général s'empare de Sagonte, alliée de Rome, obligeant les Romains à intervenir. La guerre étant déclarée, Hannibal franchit les Pyrénées avec 50 000 fantassins, 9 000 cavaliers, 37 éléphants et en passant les Alpes, renforce son armée de Gaulois révoltés contre Rome. Au début de cette deuxième guerre punique Hannibal vole de victoire en victoire en Italie jusque devant Rome. Scipion, général romain porte alors la bataille sur le sol africain. Hannibal contraint de revenir en Afrique débarque à Sousse et la rencontre décisive a lieu, à Zama, près de Sicca Veneria (le Kef, aujourd'hui). Les Carthaginois épuisés et trahis par l'alliance des chefs berbères avec les Romains sont défaits. Hannibal doit se replier et Carthage renoncer à ses colonies d'Espagne. Le flamboyant général meurt en exil en 184 av. J.-C. choisissant le suicide alors que trahi, il allait être livré aux Romains. Cependant la cité punique reconquiert sa prospérité exaspérant la rivalité commerciale de Rome. Le censeur romain, Caton l'Ancien, effectuant une visite à Carthage constate sa prospérité retrouvée ainsi que le développement de l'agriculture de l'arrière pays. L'homme politique n'a alors de cesse de conclure chacun de ses discours au Sénat par la célèbre formule : « Delenda quoque Carthago » (« et en outre, il faut détruire Carthage »). La troisième guerre punique se caractérise par un long siège devant Carthage (149-146 av. J.-C.) soutenu par Rome alliée à Utique et au roi numide Massinissa. La ville une fois prise, les vainqueurs en décident la destruction totale et l'abandon. Utique devient capitale de la province romaine d'Afrique.
     
La Pax Romana 

Entre le IIe siècle av. J.-C. et le Ve siècle après J.-C., les Romains réorganisent leur nouvelle province. Toutes les terres appartenant aux Carthaginois et aux Berbères sont confisquées pour passer au domaine public et leur colonisation par des citoyens romains encouragés. Sous César, les cultures connaissent un développement considérable et la région productrice de blé, de vin et d'huile d'olive se transforme en grenier de Rome. Toutes les villes de l'Empire reçoivent le statut de cités autonomes. La partie orientale de la Numidie devient l'Africa Nova à côté de l'Africa Vetus (Tunisie). Plusieurs nouvelles colonies sont fondées telles que Korba (Curubis), Kélibia (Clupea), Bizerte (Hippo Diarrhytus) et d'El Jem (Thysdrus). Carthage retrouve son rang de capitale, elle est reconstruite plus vaste et plus belle que sous sa splendeur punique et redevient un grand port de commerce. Jusqu'au milieu du IIe siècle après J.-C., l'Afrique romaine connaît la paix et la prospérité, les populations locales sont romanisées et en 212 l'Edit de Caracalla accorde la citoyenneté à tous les habitants des provinces. Cependant à la fin du IIe siècle, des conflits entre riches et pauvres s'expriment, renforcés par l'apparition du christianisme. Répressions et révoltes secouent la Province jusqu'à la chute de l'Empire romain.
    
Elyssa et la fondation de Carthage 

Elyssa (la Didon de Virgile), princesse de Tyr décide de fuir la Phénicie après que son frère Pygmalion eut assassiné son époux Sicharbas (Sichée) pour s'emparer du trône. Lorsqu'elle débarque, avec sa suite dans le golfe de Tunis, elle est accueillie sans hostilité par les Berbères, les habitants du pays. Le territoire qu'on lui cède est baptisé Qart Hadasht (qui signifie ville neuve mais aussi capitale nouvelle). De culture maritime, elle fait le choix d'un lieu qui devait nécessairement évoquer Tyr, sa ville natale. Tyr est une île reliée à la terre par une digue ; Carthage est un isthme, une langue de terre enclavée entre le lac de Tunis alors entièrement navigable et la Sebkha (saline) de l'Ariana. Elle pouvait ainsi résister à des sièges terrestres tout en continuant à commercer par voie de mer. Une deuxième légende illustre la ruse et la finesse d'Elyssa. Lorsqu'elle échoue sur la grève, elle demanda sans tarder une audience à Yarbas, chef des Berbères. L'objet de sa requête n'est autre que la concession d'une étendue déterminée où se fixer avec ses gens : « Juste le contour de la peau d'un boeuf », demande-t-elle. A sa vue, le chef berbère fasciné par la beauté d'Elyssa, accepte. Mais Elyssa faisant découper la peau de boeuf en de très fines lanières, de manière à cerner la surface convoitée, s'empare de tout l'isthme de Tunis. Une troisième légende a pour objet la beauté foudroyante d'Elyssa. Son écho retentit chez les Gétules et leur chef Yarbas. Aussitôt, il envoie un émissaire demander une audience auprès de la reine inconnue et mystérieuse. En regard de cette attitude chevaleresque, l'audience est accordée, sans délai, par Elyssa. Foudroyé par son apparition, Yarbas lui propose de l'épouser sur le champ. Elyssa, décontenancée par une demande aussi pressante, met en avant la tradition phénicienne qui interdit le remariage à une reine devenue veuve à la suite d'un assassinat. La malédiction des dieux pourrait s'abattre sur Carthage. Les arguments d'Elyssa paraissent fallacieux au prince Berbère. Il menace de mettre à sac Carthage. Elyssa, liée par le sang royal ne peut ni faillir, ni céder. Résignée mais digne, elle se décide pour le sacrifice rituel. Sur la colline de Byrsa (en grec : peau ou cuir), elle fait dresser un bûcher selon les rites et s'y jette en invoquant Baâl, le tout-puissant, et Moloch, le maître du feu. C'est sous ce signe que naît Carthage et que, huit siècles plus tard, elle devait disparaître. La naissance comme la mort de Carthage demeurent ainsi attachées au calvaire du bûcher. Virgile complète cette épopée en prétextant que la véritable raison du refus d'Elyssa était l'amour qu'elle portait à Enée, prince de Troie qui l'abandonne pour se rendre en Italie où sa lignée fonde Rome. Cette version de la tragédie illustre le destin funeste de Carthage, prise entre l'arrière pays berbère, toujours méprisé, et la rivalité avec Rome.
    
Genséric et ses hordes vandales 

En 429, les Vandales s'emparent de l'Afrique du nord sans rencontrer de véritable de résistance. L'ordre tribal supplante celui de l'Empire romain et les divisions entre chefs détruisent le fonctionnement de la Province. Les pirates deviennent les maîtres des mers et les pillards saccagent les cités. Genséric, chef des Vandales, maintient jusqu'à sa mort (477) un certain ordre romain. Il conserve Carthage dans son rang de capitale et distribue les terres confisquées à ses chefs de guerre. Ses successeurs sont incapables de maintenir ce semblant d'ordre. L'empereur byzantin Justinien décide d'entreprendre la conquête de l'Afrique du nord au nom de la lutte contre l'arianisme.
    
L'Arianisme 

Cette hérésie chrétienne, influente entre le IVe et le VIe siècle a été fondée par le prêtre Arius, évêque d'Alexandrie. Elle s'opposait à la doctrine catholique en niant la double personnalité, homme et fils de Dieu, du Christ. Pour les Ariens, l'humanité du Christ l'emportait sur son caractère divin. En raison de cette simplification, elle se répandit facilement parmi les populations germaniques de l'Empire romain. Elle fut introduite en Tunisie par les Vandales et Genséric en 429 et fut éradiquée avec l'arrivée des Byzantins.
    
Renaissance Byzantine 

En 534, l'Afrique du nord est conquise par les Byzantins et un nouvel ordre établi. Pour se rapprocher des Berbères Sbeitla (Sufetula) est choisie pour capitale. Cette domination byzantine s'accompagne d'un brillant renouveau artistique et économique. Des monuments romains sont démontés pour renforcer les fortifications, des églises parées de mosaïques sont construites, l'agriculture et notamment la production de vin et d'huile d'olive connaissent un nouvel essor. Mais cette période d'accalmie est de courte durée car une autre religion monothéiste, l'Islam, fait son apparition, un siècle plus tard. Les chrétiens d'Egypte, chassés des lieux, se replient en Afrique du nord.
    
L'ère Arabo-Musulmane 

La conquête arabe aux VIIe et VIIIe siècles ne rencontre que peu de résistance. Sufetula (Sbeitla) tombe en 647. En 670, Oqba Ibn Nafî, un général musulman, à la tête de quinze mille hommes investit d'une façon fulgurante et irréversible, le Maghreb en longeant la Libye jusqu'à la basse steppe, à 40 km des rivages. Il fonde la même année la ville de Kairouan (Al-Qayrawân). Les berbères font preuve d'une résistance farouche mais vaine contre les nouveaux envahisseurs et leur religion. Une princesse berbère, la Kahina, devenue une légende de cette résistance, prend la tête d'une armée et repousse les Arabes. Elle est cependant vaincue en 702 sur le mont Aurès, à un endroit que l'on nomme jusqu'à ce jour Bir El Kahéna, le puits de la Kahina. Deux cultures s'opposent celle des berbères, pasteurs, avec pour animal fétiche le bélier, généreux et obstiné et celle des Arabes, nomades du désert avec pour symbole le chameau, sobre et indocile.
     
La dynastie Aghlabide (800-909) 

L'Islam triomphant, les populations autochtones et principalement les Berbères, n'avaient d'autre choix que la conversion. Les nomades, repliés sur les franges du désert, n'inquiètent plus les villes et les vergers. Un consensus implicite s'établit. La vague violente qui avait imposé la nouvelle religion s'estompe et leurs chefs s'attellent à réorganiser la vie sociale sur les bases de l'égalité, de la tolérance et peut être de la liberté des cultes car le Maghreb compte des lieux notoires pour le judaïsme et le christianisme. Les Juifs sont épargnés parce qu'ils appartiennent aux « Gens du Livre » (peuple dont a croyance et les origines sont dans la Bible) mais également grâce à leur apport dans la fondation des villes nouvelles et dans la transformation des anciennes. Leur maîtrise des métiers de l'artisanat et leur don du commerce rendent leur présence indispensable et légitime. La dynastie Abasside au pouvoir à Bagdad nomme comme gouverneur de l'Ifriqya, Ibrahim Ibn El Aghlab. En 800, il obtient de fonder une dynastie d'émirs tout en conservant des liens d'allégeance avec le calife de Bagdad. Pendant un siècle, le pays connaît la paix et la prospérité. Kairouan acquiert sa réputation de capitale religieuse de l'Islam, les émirs résident à Rakada, une cité aujourd'hui disparue. La côte est protégée par une série de villes fortifiées : Sousse, Monastir, Mahdia, Sfax. L'agriculture bénéficie de travaux hydrauliques importants comme en témoignent les bassins de Kairouan.
      
La dynastie Fatimide (909-1171) 

Se réclamant de la famille du Prophète par sa fille Fâtima (d'où leur nom), les Fatimides briguent le pouvoir. Avec la complicité des Berbères Qutama, ils forment une armée victorieuse contre les troupes des émirs aghlabides. L'imam fatimide Obaïd Allah entre triomphalement à Kairouan, se proclame calife en décembre 909 et impose le Chiisme par des méthodes violentes. La profonde aspiration des Fatimides était de déstabiliser le Califat de Bagdad en faisant de Kairouan une base militaire à partir de laquelle lancer les opérations. La capitale est transférée de Kairouan à Mahdia et plusieurs expéditions entreprises contre les Abassides d'Egypte. En 969, l'Egypte est conquise et une nouvelle capitale, Le Caire, est fondée par les Fatimides qui confient le gouvernement de l'Ifriqiya au chef de la famille des Ziri. Peu à peu les Zirides, ignorant les califes du Caire, se tournent de nouveau vers le califat sunnite de Bagdad. En 1050, par réaction, les Fatimides lâchent sur le Maghreb les hordes sauvages des tribus bédouines des Beni Hilel et Soleïm pour saccager le pays.
      
La dynastie des Hafcides (1228-1574) 

Après ces dévastations, le pays est livré à l'abandon pendant plus d'un siècle et aucune autorité ne réussit à s'imposer pour le restructurer. Les tentatives se multiplient vainement car les populations sont si disparates qu'aucun gouverneur n'a le charisme requis pour entraîner un consensus. En 1147 un gouverneur, Abou Hafce est nommé par les Almoravides qui règnent sur le Maroc et veulent unifier tout le Maghreb. Homme de décision et de fermeté, il se voit confier la charge de redresser l'Ifriqyya. Très tôt, il s'affranchit de son allégeance et se proclame émir, fondant la dynastie Hafcide. Les villes et les principautés perdues sont reconquises jusqu'à Alger, annexée en 1235, et qui jusqu'alors n'avait jamais fait partie de l'Ifriqyya. Tunis est choisie pour capitale et en 1236, la nouvelle dynastie proclame son indépendance. Elle restaure le commerce et l'agriculture et signe des traités d'échange avec les pays occidentaux aux dépens de l'Egypte et de l'Arabie. Cette période de calme et de prospérité est de courte durée. Les croisades mettent de nouveau à feu et à sang villes et ports de Méditerranée. En 1270, Saint Louis meurt à Tunis lors de la huitième croisade. Comme les précédentes dynasties, les Hafcides périclitent en raison de l'étendue de leur territoire impossible à contrôler. Ils ne réussissent à préserver que les grands centres urbains comme Tunis et Kairouan. L'économie connaît une embellie après la prise de Cordoue et de Grenade en 1492 et l'expulsion des Morisques d'Espagne, au lendemain de la Reconquista. Nombre d'entre eux choisissent l'Ifriqiya et assurent le renouvellement du substrat agricole et urbain du pays.
      
L'ère des Pirates 

Au XVIe siècle, le littoral devient l'objet de convoitise et le champ de rivalité des Espagnols et des Turcs. Ces nouveaux maîtres de la Méditerranée favorisent la piraterie. Les ports s'érigent en principautés indépendantes se menaçant mutuellement. L'Europe les dénommait « Les Etats barbaresques » (en référence curieusement aux Berbères, exclus des décisions et laissés pour compte). Cervantès connut le bagne d'Alger alors qu'il était prisonnier des Turcs. Barberousse, pirate légendaire d'origine turque, s'empare d'Alger en 1529. Tout le monde prend peur et on fait appel à Charles Quint. Les guerres et batailles entre les deux protagonistes s'étendent sur près d'un demi-siècle. En 1574, l'Ifriqyya finit par accepter l'ordre turc en prêtant allégeance pour trois siècles. La « Sublime Porte » (l'Empire ottoman) se dote ainsi d'une nouvelle conquête qu'elle néglige rapidement au profit d'Alger.
      
La monarchie Husseinite 

La ronde des gouverneurs reprend alors son cours, sans amener le moindre changement sinon l'accomplissement de la beïâ, la prosternation devant chaque nouveau souverain à Istanbul. En 1705, un des beys, Hussein Ben Ali s'approprie le pouvoir et instaure aussitôt une monarchie héréditaire. Habilement, il obtient une autonomie réelle au sein de l'Empire ottoman sur la province tunisienne. Pour bien marquer leur indépendance, les Husseinides développent les échanges commerciaux et politiques avec les puissances occidentales. Des privilèges juridiques sont accordés aux commerçants chrétiens et juifs de Livourne qui s'installent à Tunis. En 1830, la France obtient un comptoir dans le nord du pays, au cap Nègre. Ahmed Bey (1835-1855) souverain éclairé comprend la nécessité d'entamer une série de réformes pour moderniser l'Etat, l'armée, la justice, et s'imposer vis à vis des puissances européennes. Il lance une série d'emprunts internationaux. Malheureusement, l'endettement du pays entraîne une révolte sociale et un plan d'urgence est mis en place qui impose la mise sous tutelle de la Tunisie. La France, principal créancier, en est la première bénéficiaire.
      
Le protectorat français 

En 1880, une razzia de Berbères de Kroumirie, contre des colons français installés en Algérie depuis 1830, prend, pour Paris, l'allure d'un casus belli. Jules Ferry, fervent partisan de l'expansion coloniale, profite de l'incident pour contraindre le Bey Mohammed Es-Sadok à signer le traité du Bardo en mai 1881 autorisant la France à occuper la région en vue du rétablissement de l'ordre. En 1883 la convention de la Marsa impose officiellement le Protectorat français. Tout en reconnaissant l'existence du beylicat turc et une administration autonome, le contrôle français s'exerce. D'une manière générale, au sein de l'Empire ottoman, un courant d'idées modernistes agite alors les cercles dirigeants. A Istanbul, la politique dite des tanzimats (réformes) s'enlise, tandis qu'en Tunisie, un ministre, le général Khereddine, intègre et ouvert au rationalisme européen, tente la modernisation de l'administration. C'est ainsi qu'est créé le célèbre collège Sadiki à l'enseignement laïque et scientifique, pépinière de l'élite intellectuelle tunisienne du XXe siècle. Une cour de justice sur le modèle européen est établie. Malheureusement, ses initiatives se heurtèrent à l'hostilité des pouvoirs en place et Khereddine doit s'exiler. C'est avec le Protectorat, que la Tunisie entre dans le XXe siècle. Le développement économique permet l'implantation d'infrastructures modernes : ponts, routes et réseau ferroviaire, collèges, écoles élémentaires et supérieures... La politique française favorisant les colons à qui avaient été attribuées les meilleures terres entraîne des mouvements contestataires. Ils restent sporadiques et désorganisés jusqu'à la fondation de syndicats et d'une expression nationaliste tunisienne.
     
Vers l'indépendance 

En 1920 avec la fondation du Destour (Constitution), le thème de l'indépendance de la Tunisie s'exprime pour la première fois. Ses fondateurs Ali Bach Hamba et Abdelaziz Thaâlbi, clament l'égalité des droits et des devoirs et l'accession des Tunisiens aux sphères de décisions. Mais ce parti de notables modérés se voit contesté par ceux qui se proclament « Jeunes Turcs ». Cette nouvelle génération, plus audacieuse, prend pour modèle les réformes menées par Kemal Attaturk en Turquie. En 1934 le parti devient le Néo Destour et met à sa tête Habib Bourguiba, un jeune juriste de 31 ans. Aidé par la CGTT (Confédération Générale des Travailleurs Tunisiens) du syndicaliste Ferhat Hached, le mouvement de libération devient actif. Les revendications s'étalent au grand jour. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, les chefs du Néo Destour établissent un consensus avec la France Libre alors que la Tunisie est occupée par les Allemands. Après la libération, la politique française de répression reprend le dessus. En 1951, Habib Bourguiba est exilé en France et l'année suivante Ferhat Hached assassiné. Avec Mendés France, la France reconnaît le 3 juin 1955, l'autonomie interne de la Tunisie. Habib Bourguiba revient en triomphateur et ne cesse de hâter le processus de l'indépendance totale. Après avoir déposé Lamine Bey, Régent de Tunis, il devient Président de la République Tunisienne en 1957. Cependant la France conserve la base militaire de Bizerte.
      
Les réformes de la République 

La République tunisienne est proclamée en juillet 1957 avec Habib Bourguiba pour premier Président. La Constitution est entérinée deux ans plus tard, elle confirme le pouvoir présidentiel et le Néo Destour en tant que parti unique. Fait unique en pays arabe, le nouveau pouvoir lance une série de réformes audacieuses et révolutionnaires en terre d'Islam. Il promulgue le Code du Statut Personnel qui substitue à la famille traditionnelle patriarcale, la famille conjugale. L'égalité des droits entre l'homme et la femme est reconnue, la polygamie abolie ; la répudiation est remplacée par le divorce et la capacité de la mère est reconnue, en cas de décès du père, d'exercer l'autorité parentale sur ses enfants. La scolarité gratuite et laïque devient obligatoire jusqu'à l'âge de 12 ans avec le bilinguisme arabe-français. La religion est reléguée dans le domaine privé, elle relève de la conscience personnelle. En 1962, l'épisode malheureux de Bizerte a de graves conséquences. L'armée française ouvre le feu sur des manifestants qui réclament son départ. Le gouvernement tunisien se radicalise. Il exige la restitution de la base militaire et applique une politique de nationalisation des terres encore aux mains de colons français. En même temps le fonctionnement de toutes les entreprises non tunisiennes se trouve empêché. En 1969, en raison du mécontentement à l'encontre de l'autoritarisme de l'Etat-parti, Bourguiba désavoue son premier ministre Ahmed Ben Salah. Les années 1970 sont marquées par la griffe de Hédi Nouira, banquier devenu Premier ministre et fervent défenseur de l'économie de marché. Au début des années 1980, une nouvelle lutte s'impose contre un mouvement islamiste en plein essor. Un désaccord s'exprime sur la méthode à employer entre Bourguiba et son premier ministre Ben Ali. Bourguiba malade et affaibli est destitué par ce dernier, en douceur, le 7 novembre 1987.
     
La Tunisie de Ben Ali 

Le nouveau président conforte son pouvoir en se faisant confirmer par des élections en 1989. Tout en brisant les Islamistes, il instaure le multipartisme, reconnaissant ainsi les mouvements d'opposition modérés. Sur le plan extérieur, il s'appuie sur la France, l'Union Européenne et les Etats-Unis, ce qui lui permet d'obtenir un large crédit auprès des institutions monétaires internationales. Sur le plan intérieur de profondes réformes économiques (dénationalisation, création d'une bourse des valeurs, franchise d'impôts pour les investisseurs étrangers, etc.) font de la Tunisie un pays dont le PIB par habitant est proche de celui de la Grèce. Le pays est découpé en 24 gouvernorats, administrés par un gouverneur. Depuis 1989, de nouvelles lois encouragent la décentralisation. Le Code du Statut Personnel a été encore renforcé avec la scolarisation obligatoire des filles comme des garçons, jusqu'à 16 ans.
   

  

      

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